Fazil Say : l'interview

Fazil Say, l'interview

En 2018, Fazil Say accordait une interview à l'Orchestre de chambre de Paris sur Never Give Up, créé en 2018 à Paris par Camille Thomas. Un concerto que la violoncelliste reprend avec l'OPRL à partir du 4 avril.

Pouvez-vous nous expliquer le titre de l’œuvre, Never Give Up (« Ne jamais renoncer ») ?

Ce titre est un écho aux tragédies de notre temps, marqué par les guerres, le terrorisme, l’acharnement à détruire, le culte de la mort… Il est une injonction de ne pas abandonner, de continuer à se battre contre l’obscurité, à cultiver les arts, la liberté, l’esprit des Lumières… Nous vivons dans un monde dangereux dans lequel les gens semblent de moins en moins vouloir s’écouter et se comprendre. Ce concerto envoie un message aux hommes de bonne volonté pour qu’ils combattent les terrorismes, les guerres et qu’ils ne renoncent jamais à la paix et à la beauté.

Parlez-nous de la soliste, la violoncelliste Camille Thomas…

Camille Thomas est une jeune et très talentueuse violoncelliste. Elle est une remarquable instrumentiste et, plus encore, une musicienne qui possède le sens du chant. Sa virtuosité lui est très utile pour interpréter ce concerto à l’écriture pour le moins… non conventionnelle ! Il combine en effet différentes techniques qui se déploient dès la cadence.

L’immense cadence du violoncelle ouvre d’ailleurs la partition…

C’est en effet un monologue de cinq minutes environ, d’une grande tension dramatique. Le violoncelle exprime le désir de liberté. Le premier mouvement multiplie les contrastes dans des atmosphères de plus en plus exaltées. Ce pourrait être une sorte de poème symphonique. Le second mouvement porte un regard tout à fait différent. J’ai composé cet adagio en songeant aux conséquences du terrorisme. Au début du troisième mouvement, l’orchestre respecte 20 secondes de silence, puis suit un mouvement à l’allure de plus en plus soutenue qui s’achève dans un climat comme improvisé. De la sorte, le finale renoue avec le début de l’œuvre.

Peut-on déceler, dans cette partition, l’influence de la culture populaire de votre pays ?

Dans mes œuvres, je ne fais jamais référence explicitement à des mélodies populaires. Mais je ne peux nier l’influence de ma propre culture. Passe-t-elle par l’orchestration qui valorise, ici, une percussion très colorée ? Je pourrais aussi parler de toutes les influences « classiques » du XXe siècle qui traversent ma musique, allant de Debussy à Ligeti en passant par Bartók et Stravinsky.

Propos recueillis par Anissa Rémot et Stéphane Friédérich pour l’Orchestre de Chambre de Paris (mars 2018)