Ciné-concert : Deux acteurs et un paquebot
Le dimanche 12 mai, à 16 heures, le Français Thomas Ospital improvise à l’orgue sur le film muet The Navigator, le plus grand succès de Buster Keaton, réalisé en 1924.
Bientôt 100 ans de cinéma parlant ! Et pourtant, la signature du cinéma muet reste formidablement présente dans notre cinéma comique d’aujourd’hui. Les films burlesques de Buster Keaton, Charlie Chaplin et Harold Lloyd, leurs gags et leurs mimiques expressives, marquent de leur empreinte l’art de Tex Avery, Pierre Richard, Roberto Benigni et tant d’autres… Et plus près de nous, un vibrant hommage au cinéma muet (The Artist) a reçu l’Oscar du meilleur film.
Dès l’origine du muet, la musique accompagne les projections : un surlignage essentiel confié aujourd’hui à l’art de l’improvisation de l’organiste Thomas Ospital (33 ans). Vainqueur de plusieurs concours, titulaire des orgues de Saint-Eustache et professeur d’orgue au CNSM (Paris), il dispose avec le grand orgue de la Salle Philharmonique de 3.676 tuyaux, rassemblés en 55 « jeux » (gammes de timbres), combinables à l’infini. De quoi constituer une galerie de sonorités, véritable palette de timbres, distillée en temps réel par l’imagination de l’interprète… et le scénario du film.
The Navigator (1924), que Buster Keaton considérait comme son meilleur long métrage, fut aussi son plus grand succès commercial. La quasi-totalité du film se déroule sur un paquebot parti à la dérive, avec à son bord Buster Keaton lui-même, riche jeune homme blasé et fataliste, et la femme qu’il aimerait tant épouser (Kathryn McGuire). Montés par erreur à bord, chacun à l’insu de l’autre, les deux héros affrontent toutes sortes de péripéties : cache-cache involontaires, stratégies de survie, rencontres improbables et bien sûr, confrontations avec l’océan et ses dangers…
Réalisateur et coproducteur, Keaton a tourné son film sur un véritable paquebot prêt à partir à la casse. Les scènes sous-marines, tournées dans un lac glacial faute de piscine de taille suffisante, furent de véritables cauchemars pour l’acteur, remonté à la surface toutes les demi-heures pour résister au froid et évacuer la buée… Le film (d’une heure environ) est rythmé de bout en bout par une succession de situations hilarantes, dont le fil rouge reste – on n’y échappe pas ! – l’attitude imperturbable et les acrobaties de Keaton, et sa quête d’une adorable jeune femme…
Venu du monde du théâtre, passé à l’art du court, puis du long métrage depuis seulement un an, Keaton est propulsé au firmament des maîtres du muet. Le cadre maritime transpose son style pince-sans-rire en haute mer et lui permet de jouer avec le potentiel de cet énorme « accessoire » qu’est le bateau. Les petits et les grands s’attacheront à ses mimiques et à ses courses désarticulées avec d’autant plus de plaisir qu’ils seront plongés dans le film par un environnement musical haut en couleurs.
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