La Neuvième de Beethoven vue par Christian Arming

Au programme de l'OPRL le 9 novembre à Saint-Vith, les 10 et 12 novembre à Liège, l'ultime symphonie achevée de Beethoven vue par le directeur musical de l'Orchestre.

 

Depuis sa création, la 9e Symphonie a fait l’objet d’interprétations diverses : elle a été un symbole de Révolution française, un manifeste communiste, un hymne européen, le canon de l’esthétique nazie.  Quel autre sens peut-on lui attribuer ?

Aujourd’hui, c’est son humanisme qui fait sens. Il est présent aussi bien dans le texte de Schiller que dans la musique de Beethoven. L’idée de paix entre les humains et d’harmonie entre les nations reste un message fondamental qui est plus que jamais d’actualité.

 

Le quatrième mouvement est construit sur L’Ode à la Joie de Schiller. Quel sens peut-on donner aux trois premiers mouvements ?

Quelques musicologues ont tenté d’établir ce sens en reliant les trois premiers mouvements de Beethoven à trois autres poèmes de Schiller. Ce qui paraît incroyable, c’est que la métrique des vers juxtaposée à celle de la musique fonctionne parfaitement, comme si Beethoven avait eu connaissance de ces poèmes en composant ces trois mouvements. Cette découverte est encore trop peu diffusée ; Harnoncourt a été l’un des premiers à en prendre connaissance. Ce qui est clair, c’est que ces poèmes me donnent une sorte de fil conducteur pour arriver au finale. 

 

Quel est leur contenu ?

Dans le premier poème, Schiller décrit la misère de la condition humaine et la pénibilité de la vie. Le second, peut-être à la source du Scherzo du 2e mouvement, est l’exact contraire. Les humains y cherchent la joie pour échapper à la douleur. La danse fait partie des plaisirs de la vie, elle prend dans le poème la forme d’une transe dionysiaque comparable en tous points au Scherzo de Beethoven. Quant au mouvement lent, il serait inspiré d’un poème où l’Humanité entre en connexion avec Dieu, l’Univers, la spiritualité au sens le plus large. Schiller y décrit ces moments où l’homme est connecté au mystère des origines et s’interroge sur les raisons de son passage sur Terre.

 

On dit généralement qu’un chef d’orchestre ne réussit pas la Neuvième Symphonie de Beethoven la première fois qu’il la dirige. Partagez-vous cet avis ?

Oui car il faut énormément d’expérience pour mener cette œuvre à bien. Moi-même, je n’étais pas content de ma première fois. Je faisais une tournée avec l’orchestre Janáček, je devais avoir 22 ou 23 ans. À la fin de la tournée, je me suis dit : « Je dois réétudier cette partition». Je l’ai mise de côté dix ans avant de la diriger à nouveau au Festival de Linz. Le plus dur pour un chef, c’est de parvenir à donner un sens aux parties purement orchestrales, en particulier dans le redoutable premier mouvement. La question générale du style se pose aussi. Doit-on diriger l’œuvre dans un style romantique ou historiquement informé (sur instruments d’époque). Il y a aussi beaucoup de questions d’équilibre des volumes sonores qui se posent (surtout au sein des parties orchestrales, moins avec le chœur et les chanteurs). Il faut donc de l’expérience avant de s’attaquer à ce « monument ».

 

Comment s’est effectué le choix des solistes ?

Le plus difficile ici n’est pas de choisir une voix isolément, mais de penser la distribution comme un ensemble cohérent avec des couleurs vocales qui se marient bien. Je n’ai jamais eu l’occasion de faire de la musique avec eux ni même de les auditionner. Je les ai choisis soit après avoir écouté quelques enregistrements, soit à la suite d’une recommandation d’un agent ou d’un membre de l’équipe artistique.
 

Propos recueillis par Stéphane Dado