Lionel Bringuier : « Le Boléro, malgré sa célébrité, conserve un pouvoir d’attraction presque hypnotique »
Le 9 janvier, à 19 heures, Lionel Bringuier interprète avec l'OPRL L'oiseau de feu de Stravinsky et le Boléro de Ravel avant une rencontre animée par Guy Lemaire pour tout savoir sur ces chefs-d'œuvre.
Vous avez déjà expérimenté la formule d’un concert suivi d’une rencontre avec le public. Comment est née cette idée pour Liège ?
J’ai découvert ce format aux États-Unis, au Philharmonique de Los Angeles : trois quarts d’heure de musique, puis un temps d’échange. L’idée était de proposer une expérience plus accessible à celles et ceux qui hésitent à franchir la porte d’une salle de concert, par crainte d’une soirée trop longue ou trop formelle. Ce cadre plus souple, plus intime, invite chacun à écouter, à questionner, à dialoguer. Ici, à Liège, nous avons voulu offrir le même esprit : un concert resserré, suivi d’un moment de rencontre où toutes les questions sont les bienvenues — de la plus naïve à la plus pointue. Ce que j’aime, c’est montrer l’humain derrière le chef d’orchestre, et rappeler que la musique se vit autant qu’elle ne s’écoute.
Qu’est-ce qui vous séduit particulièrement dans ce format ?
C’est sa vitalité. Après le concert, les échanges sont lancés par des médiateurs, puis la parole circule librement. Ce qui naît alors, c’est une conversation vivante, spontanée, parfois inattendue, où l’on peut parler sans fard de son expérience personnelle. Et je prolongerais volontiers à l’avenir ce type de dialogue après le concert, au Foyer, au contact direct de nos spectateurs. C’est ce lien avec le public qui m’a donné envie de faire ce métier : partager, transmettre, rendre la musique proche et familière.
Sans ses musiciens, un chef n’est rien.

Ce type de rendez-vous crée-t-il une proximité nouvelle entre artistes et public ?
C’est le cœur du projet. Les concerts traditionnels gardent parfois une part de distance, presque de mystère : le chef arrive, salue, dirige, repart. Ici, nous cassons ce cadre. Nous prenons le temps d’expliquer, de raconter, de démystifier aussi. Par exemple, je souligne volontiers que l’essentiel du dialogue entre le chef et l’orchestre passe par les yeux, plus que par la baguette, ce que le public ne voit jamais, et qu’il repose sur un lien de confiance absolu. Sans ses musiciens, un chef n’est rien. Ce sont ces petites révélations, simples et concrètes, qui nourrissent la curiosité et nous rapprochent des spectateurs.
Après Ravel et Saint-Saëns en ouverture de saison, aux côtés de Gautier Capuçon, quels chefs-d’œuvre avez-vous choisi de diriger ?
Trois monuments : le Boléro de Ravel, L’Oiseau de feu de Stravinsky (le 10 janvier) et la Sixième Symphonie de Tchaïkovski (le 17 avril). L’Oiseau de feu a pour moi une valeur particulière : c’est l’œuvre que j’ai dirigée pour obtenir mon diplôme en 2006, et je l’interprète régulièrement, depuis bientôt 20 ans, avec un grand bonheur. La Sixième de Tchaïkovski m’accompagne depuis longtemps aussi, pour son intensité émotionnelle, en particulier les climax des premier et dernier mouvements, qui sont totalement bouleversants. Quant au Boléro, malgré sa célébrité, il conserve un pouvoir d’attraction presque hypnotique. Sa montée orchestrale, son énergie, cette modulation finale en mi majeur sont irrésistibles… Même lorsqu’on sait ce qui va arriver en tant que musicien, on se laisse surprendre par la magie du procédé.
À la fois la découverte musicale et la rencontre humaine. La qualité artistique sera identique à celle d’un concert d’abonnement, mais enrichie par cette dimension conviviale.
J’aimerais que chaque spectateur reparte avec la conviction d’avoir vécu une expérience forte, chaleureuse, et l’envie de revenir. Et si ce format trouve sa place à Liège, j’espère que nous pourrons le renouveler dans les saisons à venir.
Propos recueillis par Stéphane Dado