Happy Chostakovitch : 50 ans après !

À l'occasion les 50 ans de la disparition de Chostakovitch, quatre musiciens de l'OPRL rejoints par le pianiste Georgy Voylochnikov lui rendent hommage à travers un concert présenté par Axelle Thiry.
Un créateur hanté par la peur et la censure
En 2025, on commémore les 50 ans de la disparition de Dimitri Chostakovitch. Quel regard porter aujourd’hui sur l’héritage de ce compositeur majeur du XXe siècle ? Figure ambivalente, il fut tour à tour célébré comme porte-drapeau de l’URSS dans les années 1950, puis relégué au rang de conservateur dépassé par les avant-gardes occidentales — à l’instar de Boulez ou Stockhausen — qui jugeaient son langage tonal obsolète et sa dramaturgie trop romantique. Mais à partir de la fin des années 1970, la perception de Chostakovitch change radicalement. On découvre, derrière l’image officielle, un créateur hanté par la peur et la censure, un compositeur dissimulant dans sa musique un langage de résistance voilé. Condamné à deux reprises par le régime soviétique, plusieurs de ses œuvres furent interdites ou retirées du répertoire. Peu à peu, se dessine le portrait d’un homme brisé par la terreur stalinienne, utilisant la musique comme refuge. Pour survivre, il aurait développé une écriture à double langage, entre conformisme apparent et ironie dissimulée. Ses symphonies et sa musique de chambre (en particulier son bouleversant Huitième Quatuor à cordes) résonnent aujourd’hui comme les échos tragiques de son siècle meurtri.
L'ami de Prokofiev, Weinberg et Britten
Pour rendre hommage à cette figure complexe, le violoncelliste Jean-Pierre Borboux et ses confrères, ont conçu un programme révélant tout le génie tragique de Chostakovitch mais aussi sa personnalité marquée par des relations d’estime intellectuelle et artistique. Avec Prokofiev, il partage une rivalité parfois tendue, nourrie par les mêmes contraintes et pressions politiques. Avec Weinberg, par-delà une influence artistique mutuelle, l’amitié prend la forme d’une fraternité intime : Chostakovitch aide son cadet à survivre dans une URSS hostile aux Juifs et intervient courageusement pour qu’on le libère après son arrestation en 1953. Enfin, sa rencontre avec Britten, en 1960, à Londres, ouvre la voie à une relation d’admiration mutuelle, marquée par un profond respect artistique et une vision humaniste commune. Britten fut l'unique musicien occidental avec qui Chostakovitch noua de tels liens, malgré la barrière de la langue.
Toutes ces relations, tissées dans l’ombre de la répression, révèlent un homme prudent mais profondément loyal. Axelle Thiry évoquera ces fragments d’humanité dans un concert hommage à la fois lucide et bouleversant.