Brahms 4 : L’apogée du romantisme allemand

madaras Brahms

Le samedi 11 mars, à 16 heures, Gergely Madaras achève son cycle Brahms par la Quatrième Symphonie, œuvre au romantisme haletant, entre tradition et modernité.


Avec ses quatre Symphonies, écrites en l’espace de neuf ans (1876-1885), Brahms marque l’aboutissement d’une tradition qui prend Beethoven comme modèle. Ce dernier refonde la symphonie au point de l'imposer comme "le" genre orchestral par excellence durant tout le XIXe siècle, il a étoffé la longueur de chaque mouvement, imaginé de faire naître toute une œuvre à partir d’un seul motif, mis en avant l’exaltation des sentiments (sous l’influence des poètes romantiques), imprégné sa musique d’idées spirituelles et philosophiques (héritées de la Révolution française). 

Pour Brahms, qui reprendra ces trouvailles jusque dans sa Quatrième Symphonie (1885), composer une œuvre orchestrale revient à prolonger un idéal élevé, tout droit hérité de Beethoven. C’est rivaliser avec la figure du père dont on pense, à l’époque, qu’il a tout dit. L'artiste hambourgeois fut d’ailleurs tétanisé à l’idée de se confronter au « maître » et attendit d’avoir 43 ans pour écrire une symphonie. C’est tard, mais logique au regard d’une jeunesse dédiée au piano (comme interprète et compositeur). Son arrivée tardive sur le marché de la symphonie le positionne en épigone de Beethoven, il est perçu comme un traditionnaliste comparé à des musiciens comme Liszt ou Wagner qui explorent de nouvelles tendances et incarnent « La musique de l’avenir ». La société est d’ailleurs divisée entre partisans de Brahms d’un côté, de Wagner et Liszt de l’autre.

Pourtant, Brahms est bien l’enfant de son temps. À son époque, les artistes revendiquent leur individualité et une certaine hypertrophie de l’égo qui passe par le développement d’un style immédiatement identifiable, seul moyen d’obtenir la reconnaissance publique. En cela, du Brahms ne se confond pas avec du Chopin ou du Tchaïkovski. L’exacerbation des passions est l’une de ses marques de fabrique : sa Quatrième Symphonie est imprégnée d’une mélancolie tragique renforcée par la tonalité sombre de mi mineur ; elle joue pleinement la carte des effusions sentimentales.

Plus tard, Schoenberg se réclame de ce jusqu’auboutisme des affects, tout comme il admire la construction et l’inventivité du finale de la Quatrième Symphonie, conçu comme une passacaille (un thème est répété en boucle à la basse et donne droit à des variations aux voix aiguës), une ancienne forme tombée en désuétude après l’époque baroque que Brahms redécouvre grâce à sa connaissance encyclopédique de la musique ancienne. Il imagine plus d’une trentaine de variations à partir de cette passacaille, mais sans que les variations ne donnent l’impression d’un collage, il a la capacité de donner une unité et une cohérence totale à tout son mouvement.

En partant d’une forme du passé, il aboutit à une variation continue d’une grande modernité. Brahms ouvre ainsi la porte à de nouveaux horizons (plusieurs compositeurs du XXe siècle dont Webern, Britten, Lutosławski écriront leur propre passacaille). Brahms le traditionnaliste est aussi un admirable progressiste…

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