L'opéra vénitien "Caligula" reprend vie à la Salle Philharmonique

Le poème harmonique

Le dimanche 9 octobre à 20 heures, Le Poème Harmonique fait revivre le Caligula de Giovanni Maria Pagliardi, un opéra baroque passionnant inspiré par la vie du sanguinaire empereur.
 

De Suétone à Albert Camus, la folie de Caligula est devenue un mythe qui inspira écrivains et musiciens. Créé à Venise, en 1672, le Caligula de Giovanni Pagliardi (1637-1702) est le seul opéra inspiré par la vie du sanguinaire empereur. Cocktail sulfureux de folie, de pouvoir et de passion, l’œuvre connut un succès immense grâce à ses mélodies sur le modèle de Monteverdi et Cavalli. Pour sa première venue à Liège, le prestigieux ensemble Le Poème Harmonique fait revivre cet « éloge de la folie » baroque, en version de concert, en clôture du festival Les Nuits de Septembre et dans le cadre de la saison « Musiques anciennes » de l’OPRL.

C’est en 2012 que Vincent Dumestre et Le Poème Harmonique ont remis à l’honneur ce Caligula delirante (1672), première œuvre lyrique de Giovanni Maria Pagliardi (1637-1702), né à Gênes mais qui se fit connaître dans les théâtres de Venise. À Liège, la version de concert est interprétée par six chanteurs solistes (Paco Garcia, Caroline Meng, Florian Götz, David Tricou, Camille Poul et Serge Goubioud) et sept instrumentistes, dirigés par Vincent Dumestre.

Ce concert est précédé d’une rencontre avec Vincent Dumestre, à 19h, au Foyer Ysaÿe, animée par  Stéphane Dado. Accès réservé aux détenteurs d’un ticket pour le concert.


UN OPÉRA VÉNITIEN À PART ENTIÈRE

Pagliardi est né l’année où la Sérénissime propose sur la scène du teatro San Cassiano le premier spectacle d’opéra payant, critère qui le rend le genre désormais accessible non plus seulement à la noblesse ou aux milieux académiques mais à tous les publics. Dès ce moment, Venise révolutionne en profondeur les codes musicaux d'un genre apprécié jusqu’alors par les élites de l’Italie. C’est dans la Cité des doges que l’opéra se transforme en une entreprise commerciale à l’écoute d’un public qui paye sa place et se met au diapason des spectateurs. On y retrouve tout ce qui est au goût de la noblesse (les dieux de la mythologie, les héros de l'Antiquité gréco-romaine) mais aussi à celui des classes populaires (friandes de scènes comiques, de personnages plus plébéiens tels que les valets et les nourrices).

Dans son Caligula, unique opéra baroque à avoir eu l'audace d'aborder un tel sujet, Pagliardi ne fait rien moins que reprendre ces conventions des théâtres vénitiens, y compris dans le choix de son instrumentation, réduite au strict minimum (quelques violons et cordes frottées, un clavecin, une guitare !) afin de limiter à l'essentiel les dépenses d'un tel spectacle.

Représentée dans le mythique théâtre San Giovanni e Paolo (où Monteverdi créa son Couronnement de Poppée), la partition adapte la vie du tyran aux codes en vigueur à l’époque : Caligula devient un « héros efféminé », appellation qui fait référence non pas à une quelconque perte de virilité de l’empereur mais à son abandon partiel du pouvoir au profit de sa passion amoureuse.

VENISE VERSUS ROME

Mettre sur scène l'histoire d'une empereur romain totalement décadent n'a par ailleurs rien d'anodin à Venise. Depuis la nuit des temps, les Vénitiens détestent tout ce qui touche à Rome de manière générale, aux papes en particulier. Cette rivalité (qui a valu à Venise d’être excommuniée puis frappée d’interdit) se marque jusque dans les sujets d'opéra : les empereurs romains, qu'ils se nomment Néron (chez Monteverdi), Eliogabalo (chez Cavalli) ou Caligula, sont en réalité une incarnation déguisée de la décadence papale. 

HAPPY END

Enfin, dans la conclusion de l'histoire, Pagliardi reprend une autre convention typique des scènes vénitiennes, celle du lieto fine (happy end) : au lieu de mourir et de terminer l'opéra sur une notre tragique, Caligula est sauf grâce à un stratagème dramatique aussi ingénieux que surprenant : en se vidant de son sang corrompu, phénomène qui devrait précipiter sa mort, l'empereur, débarrassé de toutes les mauvaises engeances qui circulaient dans ses veines, retrouve une certaine normalité et revient à la vie ! Ce type de rebondissement est typique de l’opéra vénitien qui aime glisser du tragique au comique, pour le plus grand plaisir des spectateurs d'hier et des auditeurs d'aujourd'hui.
 

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