Interview de Raft : « C’est un style de jazz assez accessible, facile à écouter, assez dansant »

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Le 31 octobre, à 19 heures, dans le cadre des Happy Hour!, le Raft Quintet s’attaque au répertoire de la première période de Steps Ahead, groupe de jazz fusion des années 1980. Les musiciens de l'ensemble reviennent sur les spécificités de ce groupe mythique et sur ses choix interprétatifs.
 

Comment est né Raft et quelle est la spécificité de ce groupe ?
 

Jan Nihoul : Raft est un trio de jazz constitué autour du vibraphone, instrument mélodique plus rare que le piano et doté d’une spécificité originale : il se joue avec 4 baguettes (au lieu de 10 doigts pour un pianiste) et peut donc produire, au maximum, 4 sons simultanés. 

 

Peter Van Tichelen : Jan Nihoul a été mon professeur à l’Académie de Tongres, il m’a enseigné de nombreuses percussions, y compris le vibraphone. Bien des années plus tard, nous avons décidé de jouer ensemble et Raft est né... Aujourd’hui, Jan est directeur de l’Académie et je l’ai remplacé comme professeur de percussions !

 

JN : Le contrebassiste Koen Toté, membre de l’OPRL, complète le trio ; il peut jouer de la contrebasse mais aussi de la guitare basse (la guitare est d’ailleurs son premier instrument). Nous offrons une place exclusive à Koen pour produire les sons graves, car la tessiture d’un vibraphone classique n’est que de trois octaves, dans un registre medium. C’est cinq octaves de moins que le piano…

 

Vous êtes donc deux percussionnistes au sein du Trio Raft ?

PvT : Oui, mais musicalement, on peut considérer le vibraphone comme un instrument mélodique au même titre que le piano, et pas comme une percussion. Le vibraphone et la batterie ne remplissent pas du tout la même fonction et coexistent donc facilement en jazz. C’est aussi très visuel, avec toute cette panoplie de baguettes !

 

C’est un style assez éclectique, qui peut aussi être un peu funky par moments. Steps Ahead s’inscrit aussi dans la lignée du groupe The Weather Report (Joe Zawinul) dans les années 1970, et a aussi beaucoup utilisé les sons synthétiques, les boîtes à rythmes… En tout cas, c’est un style de jazz assez accessible, facile à écouter, assez dansant, qui n’installe pas de distance entre l’auditeur et les interprètes. 

 

Comment vos projets ont-ils évolué depuis votre première venue à Liège en 2015 ?

JN : Le répertoire de Raft mêle des compositions personnelles et des reprises. Notre univers et notre « vocabulaire » se rapprochent notamment des trios avec piano de Brad Mehldau ou Avishai Cohen.  Depuis un an, nous explorons la musique du groupe Steps Ahead en quintette, avec deux collègues de l’Académie de Tongres, le guitariste jazz Costa Arvanitidis et le saxophoniste Koen Nys. Le concert à la Salle Philharmonique mêlera des compositions originales de Raft et des morceaux de la période des plus grands succès de Steps Ahead, au début des années 1980.  

 

PvT : Nous avons le projet de sortir un deuxième album avec ce nouveau quintette : nous sommes en train de retravailler nos compositions pour les adapter à cette formation. Le public des Happy Hour ! pourra en découvrir quelques-unes… Nous espérons continuer à partager des expériences avec d’autres musiciens, en conservant toujours ce plaisir de jouer ensemble.

 

JN : Nous avons surtout travaillé ces derniers temps sur ce projet, centré sur des musiques jazz des années 1980 : pour moi, Steps Ahead (initialement dénommé simplement « Steps ») s’imposait comme le groupe incontournable à cette période. Il a eu un parcours très diversifié, des collaborations avec de nombreux musiciens différents, autour de la personnalité du vibraphoniste Mike Mainieri. On peut considérer que leur meilleure période a duré environ cinq ans ; certains musiciens ont quitté l’ensemble après l’album Magnetic (1986) et cela marque, selon moi, la fin des meilleures années du groupe, lorsqu’il réunissait le saxophoniste Michael Brecker et le batteur Peter Erskine autour de Mainieri. Notre Raft Quintet interprètera principalement des compositions de l’album « Steps Ahead », paru en 1983, mais aussi de deux autres de leurs albums.
 

Steps Ahead
Le groupe Steps Ahead en 1980

 

Vos interprétations sont-elles des reprises à l’identique ou des arrangements plus personnels ?  

PvT : Nous nous réapproprions les albums en jouant tout « d’oreille » ; c’est surtout Jan Nihoul qui réécrit les partitions, en commençant par le vibraphone, élément central de leur musique. L’idée est plutôt de rester fidèle aux musiques initiales, pas de faire des arrangements, mais nous devons parfois décider si nous nous offrons des espaces d’improvisation. En ce qui me concerne, pour la batterie, je m’inspire des magnifiques batteurs d’origine, de leurs univers, de leurs références musicales, et j’essaie d’en « saisir l’atmosphère », puis de la restituer à ma manière. Mis à part quelques groove déterminés qu’il faut vraiment reproduire littéralement, le reste consiste plutôt à rendre l’esprit de leurs compositions.

 

JN : En jazz, les musiciens travaillent toujours avec des systèmes (harmoniques ou rythmiques) bien déterminés. Nous pouvons choisir les moments où nous prenons des espaces de liberté, et ceux où nous jouons littéralement comme Steps Ahead ; mais les grilles d’accords, les harmonies principales, sont toujours fixes. On peut parfois modifier l’un ou l’autre accord secondaire, mais les fonctions de base doivent être respectées.  

 

Comment peut-on définir le style de Steps Ahead ?

JN : C’est du jazz rock, ou du jazz rock fusion (les deux termes s’utilisent). C’est-à-dire que l’on y trouve les principes harmoniques et les solos typiques du jazz, mais le rythme s’écarte du swing pour se tourner vers les modèles plus carrés du rock.

 

PvT : C’est un style assez éclectique, qui peut aussi être un peu funky par moments. Steps Ahead s’inscrit aussi dans la lignée du groupe The Weather Report (Joe Zawinul) dans les années 1970, et a aussi beaucoup utilisé les sons synthétiques, les boîtes à rythmes… En tout cas, c’est un style de jazz assez accessible, facile à écouter, assez dansant, qui n’installe pas de distance entre l’auditeur et les interprètes. 

 

Du jazz à la Salle Philharmonique par des musiciens de l’OPRL : un cocktail pas si classique, finalement ?

JN : En effet ! Et lors de notre première venue en 2015, au tout début des Happy Hour !, nous avions eu le plaisir de jouer devant un public nombreux, très enthousiaste aussi. Cela nous a vraiment donné envie de revenir !

 

PvT : Jouer à la Salle Philharmonique est très stimulant : l’acoustique est formidable, deux d’entre nous la connaissent très bien, mais c’est certainement aussi un peu impressionnant pour nos deux nouveaux musiciens partenaires… Et c’est pour nous une expérience très spéciale de savoir que nos collègues de l’Orchestre sont aussi dans la salle afin de nous écouter dans notre répertoire.

 

Propos recueillis par Séverine Meers

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Raft Quintet sera en concert le mardi 31 octobre 2023 à 19h à la Salle Philharmonique de Liège dans le cadre de la série Happy Hour ! 

 

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Vers la fiche de concert (infos, playlists, bio...)

 

Raft Quintet :
Jan Nihoul, vibraphone
Koen Toté, contrebasse
Peter Van Tichelen,batterie
Koen Nys, saxophone
Costa Arvanitidis, guitare