Hulda : l'interview d'Alexandre Dratwicki

Alexandre Dratwicki

« Hulda est une œuvre sensationnelle qui dément l’idée que l’on s’ennuie à l’opéra et que le genre est trop bourgeois et passéiste. » 

Directeur artistique du Palazzetto Bru Zane, le musicologue français invite à la découverte du troisième opéra de César Franck, qu’il coproduit avec l’OPRL. 

 

Comment se fait-il que César Franck soit aussi méconnu comme compositeur d’opéra ? 

Aujourd’hui, Franck est connu dans le monde entier comme organiste et ensuite comme compositeur de musique symphonique. On se dit du coup qu’un compositeur symphonique n’a pas de sens dramatique ni de sens du théâtre, qu’il ne sait pas comment faire interagir ses personnages, que les émotions mise en avant sont moins celle du théâtre que de la musique instrumentale. C’est évidemment faux. En réalité, les opéras de Franck sont arrivés trop tard dans sa production. Il aborde le genre à un moment où l’Allemagne et l’Italie proposent déjà d’autres modernités opératiques. Sa musique est certes géniale, mais on ne lui a pas laissé sa chance.  

Pourquoi avoir choisi avec l’OPRL de produire Hulda plutôt qu’un autre opéra ? 

Très clairement, Hulda a l’avantage d’avoir un livret où chaque fin d’acte est sensationnelle parce qu’il y a systématiquement un meurtre à la clé, chaque acte est en soi un opéra qui va vers sa conclusion sanguinolente. À l’époque, les conseillers privés du Directeur de l’Opéra de Paris lui avaient déconseillé de produire l’œuvre parce que l’on n’avait jamais vu autant de morts sur une scène ! Franck accumule des sensations d’horreur comme dans les grands tableaux d’histoire contemporains, il veut faire frissonner le bourgeois. Hulda, c’est un peu le film d’horreur de l’époque ! Dès la première scène, le rôle-titre et sa mère sont enlevés par les Vikings, la mère est tuée après seulement 15 minutes, cette situation correspond normalement à celle d’une fin d’opéra. Hulda est une œuvre sensationnelle qui dément l’idée que l’on s’ennuie à l’opéra et que le genre est trop bourgeois et passéiste. Hulda, c’est aussi un premier rôle extraordinaire. Je pense que si Maria Callas avait lu la partition, elle aurait adoré la chanter.  

Comment conçoit-on aujourd’hui la distribution d’une œuvre aussi pléthorique qu’Hulda ? 

Même si nous gardons le concert à l’esprit, l’ambition première de l’OPRL et du Palazzetto Bru Zane, partenaire de ce projet, est de coproduire un enregistrement. Ce qui signifie rassembler des artistes qui ne se déplacent pas sur scène, en chantant par cœur dans des costumes lourds, mais qui s’exécutent devant un micro. Tous les rôles, y compris les plus petits, doivent être bien distribués. Pour cela, ailleurs, il faut faire la distinction entre une voix de micro et une voix de salle. Quand vous êtes dans un opéra où il faut projeter jusqu’au siège du dernier spectateur, vous faites appel à des voix puissantes qui travaillent le son au détriment du texte. Quand vous établissez une distribution pour le disque, vos chanteurs doivent avoir une pertinence vocale certaine mais surtout des qualités théâtrales. La distribution d’un disque n’a rien à voir avec celle d’une salle d’opéra. 


"Hulda", opéra en version de concert concert :
📅 15/5 | Salle Philharmonique de Liège
📅 17/5 | Namur Concert Hall
📅 1/6 | Paris, Théâtre des Champs-Élysées