L'interview de Richard Schmoucler

Le leader du Sirba Octet explique la genèse du programme "Sirba Orchestra !" à l'affiche des concerts de Noël de l'OPRL les 15 et 16 décembre.

 

Quels sont les pays mis en valeur dans le programme « Sirba Orchestra ! » ?

Nous allons rester dans le répertoire qui est la base du Sirba Octet : la musique klezmer et la musique tzigane mais en mettant en évidence des œuvres originaires principalement de Russie, de Moldavie et de Roumanie. On retrouvera aussi un chant provenant du ghetto de Varsovie. Un tiers du programme est constitué de musiques juives yiddish.

À quels genres appartiennent les musiques au cœur de ces concerts ?

Nous allons explorer 4 types de musiques. La musique tzigane « de cabaret » (Les Yeux noirs, Kalinka, Cocher ralentis tes chevaux) : une musique charmeuse interprétée par des musiciens dans les cafés ou restaurants, allant de table en table. Elle est écrite pour violon, alto à trois cordes (le Bratsch), cymbalum et contrebasse.  Il y a aussi la musique tzigane « de campagne » (la Suite de Moldavie, Hora Moldoveneasca) destinée à un effectif à peu près similaire à la première, mis à part l’ajout (non systématique) d’une clarinette. C’est une musique plus rude qui ne cherche pas à charmer. Elle est de tradition orale et remonte à la nuit des temps. Elle est souvent dansée dans les fêtes de villages ou les mariages. Il y a enfin la musique klezmer et la musique yiddish. La première est purement instrumentale, alors que la seconde est chantée en yiddish (d’où son nom), la langue des Juifs de l’Europe de l’Est (Geyen zey in shvartse reyen).  Un répertoire initialement écrit le plus souvent pour violon, contrebasse, clarinette, accordéon (et la voix dans le cas de la musique yiddish).

Comment avez-vous choisi les œuvres ?

J’ai une base de données qui contient près de 8.000 titres. Dès qu’un titre ou un thème me donnait des frissons, je l’ai sélectionné. J’avais une dizaine de sous-sélections. Et je suis finalement arrivé au programme définitif, en ne gardant que les morceaux qui me paraissaient les plus beaux. En écoutant les pièces, j’ai commencé à concevoir les prémices de l’orchestration, à identifier les moments où certains instruments interviendraient en solo, à imaginer les passages où l’orchestre symphonique et les musiciens du Sirba Octet s’adonneraient à une partie de ping-pong instrumentale. J’ai envoyé ensuite les fichiers musicaux et mes notes à Cyrille Lehn.

Comment écrit-on des arrangements symphoniques qui ne dénaturent pas le caractère de ces musiques ?

C’est un véritable défi car il s’agit de garder l’âme de ce répertoire tout en réalisant des orchestrations classiques. Diverses expérimentations ont été nécessaires afin d’entendre ce qui sonne le mieux dans telle ou telle pièce. Cela a représenté deux ans de travail que nous avons effectué la main dans la main avec Cyrille, chacun de notre côté ou ensemble. Cyrille effectue ce type d’arrangements depuis des années de manière extrêmement talentueuse et parvient à arranger n’importe quel thème tout en en conservant son essence.

Le concert que l’on entendra à Liège est aussi le fruit d’une longue maturation. On a créé ce programme « Sirba Orchestra ! » à Pau puis nous l'avons repris avec l’Orchestre de Bretagne. Cela a occasionné des réorganisations et des remaniements. À Pau, nous avions mis une partie de batterie et nous avons décidé de la retirer car cela ne fonctionnait tout simplement pas avec l’esprit de cette musique. Il y avait quelques longueurs aussi, des titres ont été raccourcis. Les concerts de Liège sont la quintessence de tout ce travail.  

Ce répertoire laisse-t-il une place à l’improvisation ?

Il y a parfois des parties improvisées mais plutôt dans le style du jazz manouche (un jazz qui intègre les influences tziganes et klezmer de l’Europe centrale). Le premier medley d’orchestre par exemple : notre altiste David Gaillard a une grille d’improvisation caractéristique de ce type de jazz.

Qu’apporte la balalaïka de Nicolas Kedroff ?

Elle apporte un son et une couleur absolument uniques et donne à ce répertoire son caractère « cabaret tzigane russe ». Nicolas Kedroff est un artiste russe d’un immense talent et l’un des plus grands balalaïkas d’Europe. Il est plutôt habitué à jouer avec des orchestres de balalaïkas et des orchestres de musiques traditionnelles. Il joue sur une balalaïka soprano à trois cordes, toujours utilisée dans les solos. Le public aura aussi l’occasion de l’entendre dans trois pièces pour balalaïka seule, que nous avons choisies ensemble parmi toute une sélection qu’il m’a fait écouter.

Propos recueillis par Stéphane Dado