« La Création » de Haydn vue par Christian Arming

Pourquoi La Création est-elle une œuvre majeure du répertoire ?

Il semble impossible de retirer la moindre note de cette partition tant elle est parfaite ! Mise à part l’« Introduction » qui cultive des effets particuliers, la musique est extraordinairement naturelle, fluide, d’un goût exquis et dans le plus somptueux des styles classiques.

En quoi cette « Introduction » diffère-t-elle du reste ?

Il s’agit d’une représentation du « Chaos » initial. Ce mouvement a provoqué un véritable choc chez les auditeurs de l’époque car il fait entendre des combinaisons rythmiques inédites et peu naturelles en soi. Certaines lignes mélodiques sont réellement innovantes car Haydn utilise des intervalles particuliers. Tout est profondément nouveau et prodigieux.

Haydn est-il meilleur dans le genre oratorio qu’à l’opéra ?

À titre personnel, j’aime les opéras de Haydn mais je préfère ses oratorios. Sans doute parce que la dramaturgie y est beaucoup plus poussée, moins conventionnelle. Ses opéras sont écrits dans un style plus formaté qui laisse peu de place aux expérimentations sonores. C’est une des raisons pour lesquelles les opéras de Haydn paraissent plus conservateurs que ceux de Mozart.

La Création est-elle une héritière du christianisme ou de l’esprit des Lumières ?

Elle procède des deux. On sait que Haydn croyait en Dieu et en l’Église catholique. Il a produit beaucoup de musique sacrée et a acquis énormément d’expérience dans ce domaine avant de commencer La Création. On sait aussi qu’il avait des affinités très fortes avec la franc-maçonnerie et la philosophie des Lumières. Dans La Création, nous avons une parfaite combinaison des deux, sans le moindre antagonisme. Le texte est chrétien tandis que la musique est le reflet de la philosophie des Lumières. Celle-ci se matérialise moins par des détails musicaux que par un état d’esprit général. L’unité compacte des deux pensées a engendré cette partition merveilleuse.

Quelles sont les difficultés pour le chef d’orchestre ?

C’est sans doute de trouver le bon style avec un orchestre symphonique moderne. Jouer sur des instruments modernes, sans archets anciens, dénature quelque peu la musique. Pour se rapprocher de ce que l’on faisait à l’époque classique tardive, il faut repenser la manière d’utiliser le vibrato, la façon de concevoir le phrasé, l’articulation. Cela demande aussi une réflexion sur la durée des notes.

Par sa pratique régulière de la musique ancienne, le Chœur de Chambre de Namur sera-t-il un atout ?

Incontestablement, car cet ensemble maîtrise parfaitement le phrasé des classiques viennois. Les chanteurs ont aussi le souplesse caractéristique de la musique baroque, qui existe encore à l’ère classique. Comme je souhaite une interprétation légère, ils seront d’un précieux secours.

Qu’est-ce qui a déterminé le choix des solistes ?

Le fait qu’ils parlent très bien l’allemand mais aussi leur connaissance du style et leur parfaite maîtrise de la partition. La couleur vocale a également été déterminante. Les trois timbres doivent parfaitement se marier entre eux.

Quand avez-vous dirigé cette partition pour la dernière fois ?

Cela fait un bail maintenant ! C’était en 1998, à Ostrava…
 

Propos recueillis par Stéphane Dado