Orgue : Bernard Foccroulle

Bernard Foccroulle - orgue - Liège - OPRL

Directeur du Festival d’Aix-en-Provence, ancien directeur du Théâtre Royal de La Monnaie, professeur d’orgue du Conservatoire Royal de Bruxelles, Bernard Foccroulle revient à ses premières amours, l'orgue, à l'occasion d'un récital à la Salle Philharmonique de Liège, le dimanche 18 mars, à 16h, consacré à Johann Sebastian Bach. Il mettra à l'honneur toutes les formes musicales en vigueur à l'époque du cantor de Leipzig : préludes, chorals, fantaisies, passacailles, fugues... L'OPRL a rencontré le grand organiste belge à cette occasion.

 

Après une attitude plus puriste, dans les années 1980-1990, on n’hésite plus aujourd’hui à interpréter Bach sur des instruments romantiques ou modernes comme ceux de la Salle Philharmonique de Liège ou de la Philharmonie de Paris – où vous donnez d’ailleurs le même programme, le jour de Pâques. Comment vous situez-vous dans cette évolution ?

Je pense qu’aborder la musique ancienne sur des instruments historiques – ou construits de manière typée – reste un idéal. C’est l’orientation que j’ai choisie pour enregistrer mon intégrale Bach. Ceci dit, la musique de Bach a une telle force en elle-même qu’elle garde une grande cohérence même quand on l’interprète sur un Cavaillé-Coll du XIXe siècle ou un orgue néo-classique comme celui de la Salle Philharmonique de Liège. On a cru longtemps en la notion de « progrès » dans les arts et, par extension, en facture d’orgues. Aujourd’hui, en revanche, nous avons un beaucoup plus grand respect à l'égard de chaque génération, jugée comme cohérente en soi, ce qui nous conduit à apprécier chaque style en fonction de son époque. Pourquoi dès lors ne pas aborder sur un même instrument un répertoire varié allant – si l’orgue le permet – du Moyen Âge à notre époque ? Dans le même esprit, les orchestres modernes s’autorisent des incursions de plus en plus convaincantes dans le répertoire baroque. Grâce à Simon Rattle, l’Orchestre Philharmonique de Berlin a invité des chefs comme Andrea Marcon et William Christie. Rattle lui-même a livré de superbes interprétations des Passions de Bach.

Si vous ne deviez choisir qu’un seul instrument, quel serait votre orgue préféré ?

Ce serait sans doute l’orgue de l’église Sainte-Catherine de Hambourg qui comporte plusieurs centaines de tuyaux anciens et qui a fait l’objet d’une reconstruction par Flentrop, en 2013. C’était l’orgue de Heinrich Scheidemann et de Johann Adam Reinken, deux prestigieux musiciens d’Allemagne du Nord. On sait que Bach y a donné un récital mémorable devant les autorités de la Ville, en 1720 ; c'est probablement à cette occasion qu’il créa sa fameuse Fantaisie et fugue en sol mineur BWV 542. En dépit de son orientation stylistique baroque, cet instrument est d’une diversité de couleurs et d’une versatilité qui permettent d’aborder aussi bien la musique de Mendelssohn que d’auteurs plus récents comme Messiaen. De plus, les plein-jeux – ce mélange si caractéristique de l’orgue couronnés de jeux aigus – ne lassent pas les oreilles, ne sont jamais fatigants.

Ces dernières années, plusieurs restaurations ou constructions d’orgues ont été menées dans de nombreuses salles de concerts. Que pensez-vous de cette évolution ?

C’est une tendance nouvelle en Europe occidentale mais il faut savoir que, depuis 30 ou 40 ans, la Chine, le Japon et bien d'autres pays dans le monde se sont dotés de salles de concert comportant parfois de très grands instruments. Les églises étant moins nombreuses en Asie, c’est surtout sur ces instruments que l’on est amené à jouer en concert. Paris a connu l’inauguration, en 2016, de deux instruments neufs à Radio France et à la Philharmonie de Paris. On n’avait pas prévu initialement d’y construire des orgues. C’est donc le milieu organistique qui s’est mobilisé pour qu’on intègre la construction d’orgues neufs dans ces salles nouvelles. Les dossiers ont connu un parcours difficile avec plusieurs changements de ministres mais ils ont finalement abouti, et l’on peut s’en réjouir. En Belgique, après la restauration de l’orgue de la Salle Philharmonique de Liège, nous avons enfin la chance de disposer, au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles, d’un instrument qui permet d’ores et déjà de développer une politique de concert novatrice qui se démarque de ce que l’on peut programmer dans les églises. La situation dans des salles de concerts permet des rapprochements plus aisés avec l’orchestre mais aussi le monde de la danse, du cinéma, etc.

Propos recueillis par Éric Mairlot

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