La musique de Boesmans : "Une magie de tous les instants"

Interview de David Kadouch

David Kadouch créera le 28 février à Liège et le 1er mars à Bruxelles, le nouveau concerto pour piano de Philippe Boesmans, "Fin de nuit". Une partition séduisante que le jeune pianiste français évoque avec un enthousiasme évident.

 

David Kadouch, présentez-nous la nouvelle œuvre de Philippe Boesmans

La pièce s’intitule Fin de nuit. C’est une partition qui a été commandée par l’OPRL ; elle constituée de deux mouvements qui totalisent une vingtaine de minutes. Le premier mouvement est une pièce purement orchestrale intitulée « Dernier rêve ». Le piano n’intervient que dans le second mouvement : « Envols ». L’œuvre est écrite pour un orchestre assez conséquent. La partie pianistique est plutôt intégrée à l’orchestre même s’il y a des passages plus concertants. Comme dans le Capriccio [NDLR : une œuvre pour deux pianos écrite pour les 50 ans de l’OPRL et créée par les sœurs Labèque], que j’ai joué avec Cédric Tiberghien à Bozar, en 2017, il y a des moments où le piano s’oppose à l’orchestre et d’autres où il est en totale imitation, en accord complet. 

Quel lien voyez-vous entre le titre Fin de nuit et la musique ?

La musique développe des atmosphères nocturnes et plonge l’auditeur dans un état de rêve permanent. C’est une musique impalpable que l’on ne cerne pas tout de suite, car les notes sont comme des étoiles filantes, rendues par des timbres argentés et des sons très perlés au piano. La musique de Philippe Boesmans est foisonnante à souhait, elle provoque d’un bout à l’autre l’étonnement. C’est une magie de tous les instants.

L’écriture pianistique est-elle complexe ?

Si le langage est assez facile à assimiler, l’écriture pianistique reste complexe mais très chantante et accessible aussi bien pour le public que pour l’interprète. À la première lecture, j’ai eu beaucoup de plaisir à constater que le jeu est très fluide, tout semble naturel, y compris dans les strates polyphoniques imaginées par le compositeur.

Comment définir le langage de Philippe Boesmans dans cette nouvelle œuvre ?

Jouer du Boesmans est un bonheur total car c’est un véritable génie. J’aime chez lui ce regard qui pétille et qui est en permanence dans la musique. Il a une manière unique d’allier le sérieux et le moins sérieux, le sourire aux lèvres. Il y a chez lui un hédonisme permanent ; je suis fasciné par cette inventivité et cette gourmandise du son et par la beauté sonore qu’il assume sans le moindre complexe. Dans Fin de nuit, je ne me suis pas senti en rupture avec ce que je connaissais. On est dans la continuité du langage développé dans le Capriccio et son récent opéra Pinocchio.

On vous connaît surtout dans les répertoires romantiques allemands et la musique russe. Allez-vous explorer davantage le répertoire contemporain ?

Naturellement, je suis plus porté sur les répertoires classiques. Mon rapport au temps est teinté de nostalgie car je suis très lié au passé, je regarde souvent derrière moi. C’est un trait de famille. J’aime naturellement savoir ce que les compositeurs ont voulu dire à travers leur musique. Mais quand on monte sur scène, il faut pouvoir les rendre modernes et universels. Il y a un juste équilibre à trouver : rendre moderne sans déformer. La question se pose moins avec la musique contemporaine (cette année notamment à la Scala). Pas pour faire à tout prix de la musique contemporaine mais parce que j’aime la musique de certaines personnalités. À cet égard, les deux expériences avec Philippe Boesmans auront été parmi les plus belles choses de ma vie.  

Avez-vous envie de passer des commandes à de jeunes compositeurs ?

Certainement ! Les sœurs Labèque restent à cet égard mon modèle par les nombreuses créations qu’elles ont suscitées. Ces musiciennes ont changé le répertoire pour deux pianos. On doit ressentir une grande fierté à avoir eu un tel impact sur le répertoire. J’aimerais moi-même avoir une telle influence à l’avenir…

Propos recueillis par Stéphane DADO

Réserver en ligne à Liège
Réserver en ligne à Bruxelles