Rencontre avec David Franke, organiste-improvisateur

David Franke

Grand Prix d’improvisation du Concours de Chartres (2008), il accompagne le dimanche 6 février, à 16 heures, "Le dernier des hommes" de Murnau, l’un des films clé de l’histoire du cinéma. L'OPRL l'a rencontré !

 

Comment est née votre passion pour l’orgue ?
Je suis né à Freiberg, en Saxe, dans une région réputée pour ses orgues Silbermann, contemporains de Johann Sebastian Bach. J’entendais l’orgue tous les dimanches. J’ai commencé à étudier le piano, mais dès que mes jambes ont été assez longues, je suis passé à l’orgue. J’ai toujours aimé improviser, paraît-il depuis l’âge de trois ans. Enfant et adolescent, je faisais partie du Dresdner Kreuzchor (« Chœur de l’église Sainte-Croix de Dresde »), un chœur aussi célèbre que celui de l’église Saint-Thomas à Leipzig. Ensuite, je me suis définitivement tourné vers l’orgue.

Quel a été votre parcours ?
J’ai eu la chance de travailler avec quelques-uns des meilleurs professeurs : d’abord à Stuttgart (2000-2007) avec Ludger Lohman (interprétation), Jürgen Essl et Hans Martin Corrinth (improvisation), en Erasmus à Copenhague (2004) avec Bine Katrine Bryndorf et Hans Fagius (interprétation), puis à Berlin (2007-2009) avec Leo Van Doeselaar (interprétation) et Wolfgang Seifen (improvisation). En 2008, j’ai remporté coup sur coup le Grand Prix d’improvisation du Concours de Chartres, en France, et le Prix du public au Concours de Harlem, aux Pays-Bas. Ces récompenses m’ont permis d’entamer une carrière internationale, principalement en France, Italie, Scandinavie et aux Pays-Bas. De 2008 à 2018, j’ai été organiste titulaire de l’orgue Hildebrandt de Naumburg, inauguré par Bach en 1746.

L’enseignement de l’improvisation est-il le même partout en Europe ?
Pas du tout. En Allemagne, selon les régions, les écoles et les goûts des professeurs, il y a une grande variété. En France, on pratique volontiers le grand style symphonique à la française, bien que les styles anciens « à la manière de » soient aussi étudiés. Les Pays-Bas sont un peu à la croisée des chemins. Des organistes comme Jos van der Kooi et Hayo Boerema n’hésitent pas à improviser dans un style moderne sur des instruments anciens. Personnellement, j’improvise dans différents styles et différentes formes, y compris dans le style symphonique français.

Avez-vous eu l’occasion d’improviser sur plusieurs films muets ?
Oui, j’ai improvisé sur Le dernier des hommes de Murnau (1924), Le bossu de Notre-Dame de Wallace Worsley (1923), Tabou, le dernier film de Murnau (1931), Berlin – symphonie d’une grande ville de Walther Ruttmann (1927), Luther – un film sur la Réforme allemande de Hans Kyser (1928), mais aussi des films humoristiques des débuts du cinéma : Un monsieur qui a mangé du taureau (1907), Le pompier des folies bergères (1928), L’écrin du Rajah (1906) et d’autres.

Comment préparez-vous ce genre d’exercice ?
Je regarde bien sûr le film de A à Z pour avoir une vue d’ensemble mais aussi pour repérer les séquences qui se prêteraient à une synchronisation de l’ordre du bruitage. En regardant le film, on note aussi des leitmotivs qui pourraient incarner des personnages ou des sentiments. Dans Le dernier des hommes, le personnage principal est un portier de palace qui a passé toute sa vie à côtoyer des clients de classe sociale élevée. Il porte un bel habit et sert les clients avec empressement. Son univers s’écroule lorsque, atteint par la limite d’âge, il est contraint d’abandonner sa livrée et devient gardien des toilettes. Mais un revirement complet de situation intervient lorsqu’il revient en riche client de l’hôtel. Un des défis à relever est celui d’accompagner les « rêves » du personnage principal, ses digressions mentales, en suscitant un monde onirique sur le plan musical.

Propos recueillis par Éric Mairlot

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