Gergely Madaras : « La musique de Ravel, très descriptive, réveille l’enfant qui sommeille en nous… »

Gergely Madaras

Les 17 et 19 février, Gergely Madaras et l’OPRL se plongent dans la magie des contes pour enfants de Ravel et célèbrent le 150e anniversaire du compositeur liégeois Joseph Jongen (le 17/02 uniquement).

Pourquoi avoir choisi la Symphonie concertante pour orgue et orchestre de Jongen ?

C’est grâce à l’OPRL que j’ai découvert la musique de Joseph Jongen. Né la même année que Rachmaninov (1873) et mort la même année que Prokofiev (1953), il est stylistiquement plus proche de Ravel. D’essence impressionniste, sa musique est vraiment d’un niveau exceptionnel, en particulier sa Symphonie concertante de 1926-1927, une œuvre incroyable dans laquelle l’orgue et l’orchestre jouent à parts égales. Cette œuvre est encore beaucoup jouée de nos jours aux États-Unis et a d’ailleurs été commandée, à l’époque, pour l’agrandissement de l’orgue gigantesque (451 jeux !) des magasins Wanamaker de Philadelphie. C’est une œuvre pleine de couleurs et de fantaisie, qui débute par une fugue vive et décidée, se poursuit par un scherzo espiègle à 7 temps, puis un mouvement lent fervent et une toccata échevelée. Le violoniste belge Eugène Ysaÿe tenait cette œuvre pour « un chef-d’œuvre ».

Que dire de la partie d’orgue ?

C’est une partition très exigeante et virtuose, en particulier dans le finale, une toccata spectaculaire en mouvement perpétuel, où la tension ne faiblit pas. Il faut être un Jedi pour la jouer (rire) ! Pour ce concert, je serai heureux de partager le plateau avec l’organiste lettone Iveta Apkalna, titulaire de l’orgue de l’Elbphilharmonie de Hambourg. Je l’avais rencontrée à Londres, en 2019, lors de la création d’une œuvre pour deux orgues et orchestre de Peter Eötvös où elle m’avait fait forte impression.

Venons-en aux contes de Ma Mère l’Oye de Ravel, que vous donnerez aussi dans le cadre d’un Dimanche en famille. Pourquoi avoir choisi le ballet plutôt que la suite ?

Pour moi, le ballet de 1911 est agencé de manière plus fluide et organique que la suite de 1908 car les différents contes y sont reliés les uns aux autres par des ritournelles, un peu comme les « promenades » reliant les Tableaux d’une exposition de Moussorgski (justement orchestrés par Ravel…). Cela donne un résultat encore plus féerique, une sorte de promenade initiatique dans le monde de l’enfance, à travers des épisodes inspirés de La Belle au bois dormant, La Belle et la Bête, Le Petit Poucet, l’Extrême-Orient… Chez Ravel (comme chez Schubert d’ailleurs) cohabitent à la fois un haut degré de sophistication et une totale innocence propre à l’enfance. C’est pourquoi son œuvre parle à toutes les générations. Sa musique, très descriptive, réveille l’enfant qui sommeille en nous…

C’est une musique qui ressemble à de la musique de chambre, avec beaucoup de finesse et de délicatesse, sollicitant de nombreux solos dans les vents et les cordes (il n’y a pas de cuivres). Tout cela lui donne un caractère quasi céleste, comme dans le tableau final Le Jardin féerique, presque irréel. Pour le Dimanche en famille « Retour en enfance », la présence de l’illustrateur Grégoire Pont constituera un grand atout pour illuminer le regard des enfants.

Propos recueillis par Éric Mairlot

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