CLASSIC ACADEMY : NELE TIEBOUT (Conservatoire de Bruxelles, 26 ans)

Saxophoniste de 26 ans formée au Conservatoire de Bruxelles, Nele Tiebout est aussi lauréate de divers concours dont le Belfius Classics et celui de Dinant.

Comment avez-vous découvert la musique ?

Ma famille est composée de musiciens amateurs. Mon père est clarinettiste, ma mère et l’un de mes frères jouent de la guitare, ma sœur du cor, mon autre frère a même commencé le tuba. Je suis toutefois la seule professionnelle de la maison. J’ai commencé à pratiquer le chant dans le chœur de mon école avant de rentrer à l’académie de musique à l’âge de 8 ans.

Pourquoi le choix du saxophone ?

Parce que j’aime à la fois le côté brillant de l’objet et sa sonorité lumineuse. Jeune, j’ai hésité un moment avec le hautbois. Les couleurs éclatantes du saxophone ont été déterminantes dans mon choix.

À quel âge avez-vous donné votre premier concert ?

À l’âge de 9 ans, à Waregem, par le biais de mon académie. Ma prestation était sans doute encore très basique. Je me souviens surtout d’un concours que j’ai donné peu après à Bruges devant un jury. L’expérience était beaucoup plus impressionnante. 

Quel est votre plus grand souvenir en concert ?

Il s’agit du concert que j’ai donné à Lisbonne avec l’Orchestre des jeunes Gustav Mahler. J’intervenais dans les Danses symphoniques de Rachmaninov. Cela a été très inspirant de jouer avec des jeunes d’un excellent niveau, tous plus motivés les uns que les autres.

Dans quel type de formations vous produisez-vous ?

Je joue dans les formations les plus diverses : en duo avec piano, avec mon quatuor de saxophones (Scarbo), dans des orchestres symphoniques ou encore dans des harmonies. Je collabore aussi avec un ensemble de musique latino-américaine. Très récemment, j’ai même joué dans une formation de music-hall, à Mol. Je fais des choses très variées.

Quel est votre répertoire de prédilection ?

J’aime interpréter énormément de choses, y compris des transcriptions d’œuvres baroques à commencer par Bach ou Telemann. Cela fonctionne très bien au saxophone. J’aime aussi beaucoup la musique française (Schmitt, Debussy, Caplet, Poulenc). Elle met bien en valeur les propriétés de mon instrument. La musique contemporaine m’intéresse également. Je voudrais passer plus tard quelques commandes à de jeunes compositeurs et leur demander des pièces dans un style « classique » alors que, généralement, les créateurs ont plutôt tendance à traiter le saxophone comme un instrument de jazz, ce qui est le cas de John Adams ou de Guillaume Connesson.  

Quels interprètes et ensembles vous ont marquée ?

Grigory Sokolov, qui fait sortir de sa palette pianistique les couleurs de tout un orchestre. Il est très généreux avec le public et n’hésite pas à donner jusqu’à 7 ou 8 bis à l’issue de son programme. Pieter Wispelwey est une autre personnalité que j’admire. L’enthousiasme qu’il met à défendre Bach ou d’autres compositeurs, et son énergie m’impressionnent. On a toujours le sentiment qu’il interprète une pièce pour la première fois, c’est toujours d’une grande fraîcheur. Il a des idées très personnelles et les assume, qu’importe ce qu’en pensent les autres.

J’admire aussi l’Orchestre Philharmonique de Berlin. Ses programmes sont très bien conçus. C’est un orchestre plein d’énergie, avec une magnifique sonorité. J’aime enfin le Budapest Festival Orchestra un peu pour les mêmes raisons. La voix du baryton Thomas Quasthoff me touche aussi. C’est un artiste qui vous capte dès la première note.

Vos compositeurs fétiches ?

Jean-Sébastien Bach pour commencer. J’adore autant l’interpréter que l’écouter. Il m’apporte une certaine paix. Mahler ensuite parce que ses symphonies, chargées d’émotion, produisent une véritable catharsis chez l’auditeur. Sa musique est comme la vie, avec des moments de tensions et des instants plus paisibles. J’aime ressentir une certaine souffrance dans sa musique. Chostakovitch me touche aussi, par ses œuvres et son histoire personnelle. On y sent une énergie immense et en même temps l’oppression qu’il subit de la part du régime communiste. Enfin j’aime les opéras, à commencer par ceux de Puccini et notamment Tosca qui m’a terriblement émue !

Des interprètes non classiques ?

Le premier auquel je pense, c’est Brel. J’aime son humour, son énergie, son rapport intime au texte. La chanson française en général me convient bien car elle me rend optimiste. J’aime évidemment aussi la chanson flamande et notamment un artiste comme Raymond van het Groenewoud qui est un peu l’équivalent d’un Brel. Son univers est poétique, il parle aussi bien de l’amour que des petites choses banales de la vie. J’apprécie aussi le « cool jazz » de Chet Baker qui alterne remarquablement la trompette avec sa voix, très douce. J’écoute aussi des artistes comme Sufjan Stevens ou Sigur Rós, et, quand il fait beau, Buena Vista Social Club ou l’album « Brazil » du Quatuor Ébène.

Comment occupez-vous votre temps libre ?

J’aime être avec mes amis et ma famille et aller manger dans de bons restaurants. J’aime aussi passer du temps avec mon filleul. Un enfant donne de la chaleur. Sa découverte émerveillée du monde qui l’entoure me touche. Je fais aussi du sport et notamment de la course à pied, de la natation et du ski. J’ai pratiqué la planche à voile quand j’étais plus jeune. J’apprécie la détente que le sport procure après les moments d’effort. Cela me fait du bien physiquement et permet de libérer ma pensée. C’est aussi un moyen pour repousser ses limites, l’occasion de relever des défis.

Un livre récent qui vous a touché ?

Les sept Harry Potter ! J’aime aussi l’écrivaine flamande Griet Op De Beek qui a une écriture très reconnaissable, un univers typé et un art consommé de la description.

Une bande-dessinée ?

À la maison, on adorait lire la série des Astérix, mais je ne suis pas vraiment BD.

Un peintre que vous adorez ?

Principalement les peintres impressionnistes mais aussi Dali, Escher et Caspar David Friedrich. À Paris, j’adore aller voir le Musée d’Orsay, le Musée Rodin ou le Marmottan Monet. J’aime aussi le Musée Magritte, à Bruxelles, et le Musée Van Gogh, à Amsterdam.

Quel type de films aimez-vous ?

Un peu tous les genres mais il me semble important de les voir au cinéma plutôt qu’à la télévision.

Des séries cultes ?

Black Mirror ! C’est une série d’anticipation qui parle de l’implication des nouvelles technologies dans nos vies. Tout ce qui y est raconté peut devenir réel. C’est une série qui fait beaucoup réfléchir. J’aime aussi Orange is the new black, Breaking Bad et Game of Thrones.

Aimez-vous cuisiner ?

Je ne cuisine pas bien mais j’ai la chance d’avoir un compagnon qui est un véritable maître queux. Il prend le temps, regarde des vidéos spécialisées et confectionne des plats de très haut niveau. C’est un luxe d’avoir autant de saveurs à la maison. Sinon, j’aime beaucoup les cuisines italienne et asiatiques (en particulier les plats thaïlandais et les sushis).

Quelles sont vos villes préférées ?

J’apprécie principalement Lisbonne, Prague,  Bangkok (une cité très vivante), Amsterdam et Paris où j’ai vécu 2 ans. Cet été je vais découvrir la Croatie durant quarante jours.

Quel endroit de Belgique aimez-vous le plus ?

Bruxelles et Gand. Je garde aussi de bons souvenirs de Lomprez, dans les Ardennes, où ma famille a une maison. J’y ai pas mal de souvenirs d’enfance. C’est là que j’ai appris à faire de la bicyclette...

Une cause humanitaire que vous défendez ?

J’aide principalement l’organisme « Room to read ». Son but est d’éduquer les enfants défavorisés de certains pays d’Asie, par exemple le Népal. L’année dernière, j’ai organisé un concert caritatif au profit de ce pays. Mon frère s’y est rendu à vélo depuis la Belgique, en roulant chaque jour 100 km pendant six mois. Le concert permettait d’entendre les musiques des pays qu’il a traversés. Le concept a permis de récolter quelques fonds.

Que vous inspire la Classic Academy ?

C’est un peu la conclusion de tout mon cursus scolaire. Je l’envisage cependant comme un concert. Et c’est aussi une chance pour moi de jouer avec un orchestre car la couleur des cordes et celle du saxophone se marient bien en général. Le fait de jouer pour la première fois avec l’OPRL engendre forcément un peu de stress, mais je prends cela comme une énergie positive.

Parlez-nous de l’œuvre que vous interpréterez…

Je vais jouer le Poème de Bauzin qui n’est pas une pièce difficile techniquement. Elle me donne l’opportunité de me focaliser sur la musicalité et l’échange avec les musiciens. C’est une pièce au langage classique, avec un mouvement initial plutôt lent, une partie centrale rapide et dansante, et, pour terminer, une conclusion pensée à la manière d’un choral, dans une atmosphère très sereine.

Propos recueillis par Stéphane Dado