Ripaille avec l'Orchestre : « Briser les codes le temps d’une représentation »

Les Baladins du Miroir et l'OPRL

Le samedi 14 mars, l’OPRL présente « Ripaille avec l’Orchestre » sous le chapiteau des Baladins du Miroir à l'esplanade Saint-Léonard. Présentation croisée avec Daniel Weissmann et Gaspar Leclère.

Quelle est la philosophie des Baladins du Miroir ?

GL : Les Baladins est un théâtre itinérant pensé dans une dynamique de voyage. C’est un théâtre aux contours populaires qui a la particularité de présenter les grands auteurs à tous les publics par l’intermédiaire de spectacles itinérants. Il n’est pas simple pour tout le monde de pénétrer dans une salle de théâtre, alors qu’un chapiteau, qui évoque l’imaginaire plus populaire du monde du cirque, effraye beaucoup moins. Notre objectif est de défendre un théâtre de qualité accessible à tous et proposé de villes en villages, au gré de nos voyages. Les Baladins sont des artistes polyvalents, multiculturels, y compris dans la langue ; certains sont plutôt musiciens, d’autres comédiens et acrobates. Le tout forme un ensemble très hétéroclite.

Pourquoi une collaboration entre l’OPRL et les Baladins ?

GL : J’ai rencontré Daniel Weissmann à la Chambre patronale des employeurs permanents des arts de la scène. Le courant est bien passé entre nous. Il m’a parlé de son parcours, je lui ai fait part de la philosophie des Baladins. Nous avons tout de suite constaté que nous partagions un même objectif : ouvrir nos disciplines au plus grand nombre. Ce credo a été à la source de cette collaboration, avec l’envie de faire découvrir au public de l’OPRL un autre contexte de production, aux dimensions plus festives et populaires, où la proximité entre le public et les interprètes est maximale. À l’inverse, cette rencontre entre nos deux mondes permet de proposer au public des Baladins un spectacle musical classique de très grande qualité. Les codes sont ainsi brisés et le protocole mis de côté, le temps de la représentation. L’objectif est également de mêler les équipes de chaque institution afin que nos arts respectifs puissent se rencontrer. C’est une dimension à laquelle je crois beaucoup.

DW : Le travail de Gaspar Leclère et des Baladins est représentatif d’une conception du spectacle vivant : c’est un spectacle total ou comédiens, musiciens, danseurs, chargés de billetterie se mélangent sous le chapiteau (emblème du côté migrant des Baladins). Avant d’arriver à Liège, j’ai été le directeur du projet « Mosaïques » (Centre de création et de diffusion musicales) que j’ai fondé en Bourgogne, une structure à la frontière de plusieurs disciplines artistiques. À cette occasion, j’ai collaboré à des spectacles de rue où la musique était montrée d’une autre manière. Nous avons même installé un chapiteau dans la ville en collaboration avec Les Ogres de Barback. J’ai rencontré des gens du voyage qui ont une manière moins stricte de faire du spectacle. Ces expériences expliquent sans doute la connivence immédiate qui s’est établie avec Gaspar Leclère. Les Baladins font partie du même monde : ils ne disent pas seulement un texte, ils bougent, ils dansent. J’aime ces artistes car ils n’ont pas de frontières, de limites, et d’a priori. Nous sommes rentrés en contact, chacun est allé voir l’activité de l’autre. On s’est dit qu’on pouvait implanter le chapiteau à Liège et croiser nos publics.

Comment vont se mélanger ces équipes ?

GL : Dans un premier temps, la collaboration consiste à accueillir une création de l’OPRL sous notre chapiteau, sans que les Baladins n’interviennent dans la conception artistique. Nous mettons juste nos infrastructures à disposition. En parallèle, nous proposons au public un spectacle autour du poète espagnol Federico García Lorca conçu sur un texte un peu plus exigeant et plus difficile au regard de ceux que nous présentons d’habitude. Le spectacle « Ripaille avec l’Orchestre » de l’OPRL sera en fin de compte le spectacle le plus convivial, contrairement à ce qu’on pourrait penser… Par la suite, si la rencontre se passe bien, l’idée serait d’envisager une création future conjointement. Je me sens pour ma part dans un climat de totale confiance artistique car la réputation de l’OPRL n’est plus à faire. Je sais aussi que Daniel Weissmann et ses équipes feront en sorte de mettre en valeur la tradition classique tout en cassant certains codes, comme nous le faisons avec le théâtre. Ces deux arts favorisent à leur manière le partage des émotions auprès du plus grand nombre. Sous notre chapiteau, tous les publics, cultivés ou non, sont assis côte-à-côte, pour partager un moment récréatif chargé d’émotion. 

Comment est venue l’idée du spectacle « Ripaille avec l’Orchestre » ?

DW : Ce spectacle est une idée de Fanny Gouville — Chargée de l'action culturelle et du développement pédagogique de l’OPRL — qui souhaitait confronter la musique à une thématique particulière (dans le cas présent, la gastronomie). Fanny a fait en sorte que chaque œuvre s’inscrive pleinement dans le fil de la narration, afin de ne pas être un simple support anecdotique. Le spectacle du 14 mars s’adresse au public des familles, mais le timing souhaité par les Baladins est aussi celui de nos spectacles pédagogiques. Cela permet dès lors de proposer ce projet aux élèves de l’enseignement primaire, tant sous le chapiteau des Baladins (4 séances sont prévues) que dans les écoles. Grâce encore à Fanny, notre action culturelle explore une tendance nouvelle que j’approuve entièrement : ouvrir les séances pédagogiques et scolaires de l’OPRL à un public plus familial, dans la mesure où ces concerts requièrent autant de créativité et d’imagination que n’importe quel autre spectacle. L’élargissement des publics passe d’ailleurs par des propositions dont le spectre musical est le plus large possible. Ces formes de créations alternatives démontrent qu’il n’y a pas d’anathèmes, quel que ce soit le genre. Tout ce qui peut nous aider à accueillir de nouveaux auditeurs est bon à prendre. Cela peut justifier des entorses aux habitudes.

Propos recueillis par Stéphane Dado