« L’humanité entière de Bartók est condensée dans ce concerto ! »

Gergely Madaras parle de Bartók

Gergely Madaras dit tout sur Bartók, Maintz et Liszt, au programme des concerts d’ouverture de l’OPRL, le 17 septembre à Bruxelles, le 18 à Liège.


Pourquoi ouvrir la saison des 60 ans de l’OPRL avec le Concerto pour orchestre de Bartók ?

Pour la saison-anniversaire, je voudrais montrer tous les trésors musicaux qui composent l’OPRL. Chaque pupitre de l’Orchestre dispose de belles individualités, de fortes personnalités artistiques. Il me semblait crucial de choisir une œuvre permettant à chaque musicien d’être soliste pendant quelques minutes. Le Concerto de Bartók répond parfaitement à cette attente.

Pour quelles raisons êtes-vous autant attaché à cette partition ?

Je l’ai entendue pour la première fois en 1995, lorsque j’avais 11 ans, sous la direction du grand chef hongrois Georg Solti. C’est à la suite de ce concert que j’ai eu envie de devenir chef d’orchestre ! Entre-temps, la partition est devenue pour moi une véritable carte de visite, je l’ai dirigée à différents endroits, de Melbourne à Ankara. Je me sens très proche de cette pièce et du message qu’elle véhicule. Bartók est parvenu dans son Concerto pour orchestre à amalgamer diverses traditions ethniques et identités culturelles, il y associe différents langages et styles, parvenant grâce à ces ingrédients à créer une musique universelle capable de toucher tout un chacun. L'humanité entière de Bartók est condensée dans ce concerto. Le fait que Mezzo souhaite capter le concert à Liège montre l’importance de l’œuvre. 

Avec Bartók, Liszt et l’organiste László Fassang en soliste, la composante hongroise constitue le fil rouge de ce concert ! Pourquoi avoir attendu votre deuxième saison pour programmer la musique de votre pays natal ?

Pour aborder ce répertoire, il a d’abord fallu que l’Orchestre et moi apprenions à nous connaître afin de développer un langage commun. Dès avant le confinement et la période des vacances, nous nous sommes apprivoisés très vite. Grâce à cela, mes instructions sont assimilées rapidement, je peux ainsi travailler plus en profondeur les détails stylistiques ou techniques nécessaires.

La Méphisto-Valse n° 1 ouvre le concert. Liszt qui a surtout écrit pour le clavier est-il aussi inventif dans ses œuvres symphoniques que dans sa musique pour piano ?

Liszt est un très grand symphoniste et un formidable orchestrateur. Il raconte ses histoires par la couleur, il fait montre d’une écriture révolutionnaire et d’un style immédiatement identifiable. C’est aussi un champion de la musique à programme et l’inventeur (avec César Franck) du poème symphonique. Il parvient à créer de véritables tableaux vivants. Sa Méphisto-Valse permet de créer un grand contraste romantique avec le reste du programme.

Vous inscrivant dans la grande tradition de création de l’OPRL, vous ouvrez la saison avec de figuris, le nouveau concerto pour orgue de Philipp Maintz. Quelles sont les qualités de la partition ?

Philipp Maintz est un compositeur très intéressant qui est promis à un grand avenir. Son œuvre est une commande BOZAR soutenue par la Fondation musicale Ernst von Siemens. Elle a été proposée à l’OPRL dans le cadre du Festival d’orgue de BOZAR. Il y a beaucoup de couleurs dans cette musique, des strates de sonorités toujours en mouvement qui évoquent un peu ce que nous ressentons à la vue des nuages lorsque le temps se met à changer. Maintz a imaginé de très beaux effets expérimentaux dans tout l’orchestre. Avec de figuris, ce sera la première fois depuis ma nomination que je dirigerai une pièce où l’orgue de la Salle Philharmonique joue un rôle concertant.

Quel est votre état d’esprit face à une création ?

Je suis toujours très ouvert à la création ayant dirigé jusqu’à présent plus d’une centaine d’œuvres nouvelles. Je la laisse m’influencer, imprégner ma personnalité. J’ai d’ailleurs étudié la composition pendant cinq ans, moins par envie de devenir compositeur que pour comprendre le processus de création. J’ai même gagné à deux reprises un prix de composition avec mes propres œuvres ! Malgré cela, je n’ai jamais ressenti le besoin d’écrire, alors que celui d’interpréter la musique des compositeurs d’hier et d’aujourd’hui est très présent. Je compte beaucoup de compositeurs parmi mes amis, discuter avec eux me paraît une des activités les plus stimulantes qui soient. Entre 2004 et 2009, nous avons créé et dirigé mon épouse Noemi et moi un festival de musique contemporaine à Budapest, qui est devenu un événement musical majeur en Hongrie. Durant six ans, nous y avons interprété 110 œuvres de 45 jeunes compositeurs. C’est à la suite de cette expérience que je suis devenu l’assistant de Pierre Boulez, à Lucerne, de 2009 à 2012. Cette situation n’a pas été sans difficultés pour moi car j’ai très vite été catalogué comme « chef de musique contemporaine », les gens n’imaginaient pas que je puisse diriger d’autres répertoires. Il m’a fallu développer quelques stratégies pour m’affranchir de cette étiquette...

Comment s’est imposé le choix de László Fassang comme soliste ?

László est quelqu’un que je connais très bien, il est l’un des organistes les plus importants de Hongrie, sinon le plus important. Il est le conservateur de l’orgue de l’Académie de musique de Budapest et de celui du Müpa. Il est également professeur tant à Budapest qu’au Conservatoire de Paris où il enseigne l’improvisation. C’était une évidence de faire appel à lui dans le cadre d’un concert à forte connotation hongroise.

Propos recueillis par Stéphane Dado

 

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