Interview : Pierre Solot présente "I Like to be in America"

I Like to Be in America

I Like to Be in America :
« La musique américaine ? Une musique extrêmement métissée ! »

Ce mercredi 4 mai, pour le dernier Music Factory de la saison, Pierre Solot présente un large panorama des musiques nées aux États-Unis, depuis Dvořák jusqu’à John Williams.
 

Comment avez-vous conçu le programme de cette séance dévolue à la musique américaine ?

Cette séance avait initialement été programmée en novembre 2020, puis annulée en raison de la pandémie. À l’époque, le but était de donner un aperçu de la musique d’Amérique du Nord et d’Amérique du Sud. Quand j’ai repris le projet, j’ai voulu recentrer le propos sur la seule Amérique du Nord, et en particulier sur les États-Unis qui me semblent offrir à eux seuls un répertoire incroyablement riche et diversifié. Ce qui m’intéresse le plus, c’est d’aborder la question de l’identité musicale américaine. Contrairement à l’Europe, où la musique « classique » s’est élaborée pas à pas, au fil des siècles, selon un cheminement assez régulier, les États-Unis ont connu un développement musical beaucoup plus tardif et très influencé par le métissage de populations d’origines diverses. 


Comment situer alors la naissance de la musique « classique » américaine ?

Les États-Unis forment une nation récente, fondée en 1776. Mais c’est surtout à la fin du XIXe siècle qu’un authentique mouvement musical s’amorce, dans le sillage de la musique romantique européenne. À ce titre, l’arrivée de Dvořák à New York, en 1892, s’avère décisive. S’étant forgé un langage musical à partir du folklore de sa patrie, la Bohême, il est appelé à New York pour diriger le Conservatoire et aider les Américains à se trouver un style national. L’année suivante, il signe sa célèbre Symphonie n° 9 « du Nouveau Monde » dans laquelle il s’inspire de la musique des Noirs-Américains et des Indiens. Mais tous les thèmes sont de la main de Dvořák et il les traite à la manière d’un compositeur européen. L’œuvre est donc redevable, à parts égales, au Nouveau Monde et à l’Europe centrale. Dvořák dispensera son enseignement de septembre 1892 à avril 1895, notamment à Rubin Goldmark, futur professeur de George Gershwin et d’Aaron Copland.


Nous en arrivons donc à la suite du programme, constitué essentiellement d’œuvres du XXe siècle…

Exactement ! Au XXe siècle, la création part dans tous les sens, avec une musique extrêmement métissée, notamment au départ des negro spirituals, issus de l’esclavage, et du ragtime, l’un des principaux précurseurs du jazz. Gershwin s’inscrit totalement dans cette évolution, lui qui parvient à mélanger le jazz et le classique dans des œuvres aussi mythiques que Rhapsody in Blue. De son côté, Copland (1900-1990) traverse tout le siècle en touchant à tout. Il signe des ballets évoquant la grandeur américaine (Billy the Kid, Rodeo, Appalachian Spring) mais pratique aussi la musique tonale et le sérialisme intégral. Et que dire de Leonard Bernstein, un autre élève de Nadia Boulanger au Conservatoire américain de Fontainebleau, qui s’ouvre aux musiques cubaines dans West Side Story ? J’essayerai aussi d’aborder le minimalisme, un courant typiquement américain né dans les années 1960, sans oublier, bien sûr, le plus grand compositeur de musiques de films, John Williams, qui a si bien su incarner le cinéma hollywoodien avec un langage qui touche instantanément le cœur de tous les publics ! Le programme sera idéalement dirigé par la jeune cheffe assistante de l'OPRL, la Britannique Ellie Slorach.

 

PROPOS RECUEILLIS PAR ÉRIC MAIRLOT