Miriam Arnold : « Une promenade entre douceur, lumière et poésie. »
Le mardi 3 février 2026, la Salle Philharmonique de Liège vibrera au souffle des nymphes et des dieux grecs. Le concert, porté par les musiciennes de l’OPRL Miriam Arnold et Lieve Goossens, la harpiste Primor Sluchin (Opéra Royal de Wallonie-Liège) et la chanteuse-conteuse Noëmi Waysfeld, s’inscrit dans la série Happy Hour ! Entre flûtes, harpe et voix, le Concert des nymphes nous invite à un voyage impressionniste, poétique et sensuel, où la mythologie antique inspire les plus belles pages du répertoire français.
Comment est né ce projet aux accents mythologiques ?
Tout est parti d’une envie de collaboration avec Noëmi Waysfeld. Au sein de l’OPRL, j’avais participé à l’enregistrement d’un disque de tangos (Besame mucho) avec elle et l’Ensemble Contraste en 2017, et il y avait eu une vraie étincelle : elle incarne à la fois la douceur, la malice et une intensité qui m’ont tout de suite touchée. J’avais gardé en tête cette envie de refaire quelque chose ensemble, mais dans un cadre plus intimiste.
L’idée s’est concrétisée grâce à Primor Sluchin, harpiste et amie. Nous avions déjà monté un petit ensemble de musique de chambre, flûte, harpe et récitante. En discutant, Primor m’a parlé d’une version des Chansons de Bilitis de Debussy pour deux flûtes, harpe et récitante. C’était le point de départ : l’œuvre pivot autour de laquelle tout s’est construit. J’en ai parlé à Lieve Goossens, collègue et amie de longue date à l’orchestre, et tout s’est naturellement mis en place.
Pourquoi avoir choisi la mythologie grecque comme fil conducteur ?
Parce qu’elle est omniprésente dans ces œuvres. Les Chansons de Bilitis, écrites sur des poèmes de Pierre Louÿs, inventent la figure d’une poétesse grecque antique, entre sensualité et mystère. On y croise Pan, Syrinx, Chloris, les Dryades… Ces figures mythiques évoquent la nature, la métamorphose, le désir. Et la flûte y tient un rôle central : c’est l’instrument de Pan, symbole de l’inspiration et du souffle vital. Nous avons donc construit tout le programme autour de cette mythologie : Debussy, Mouquet, Gaubert, Hahn, Ibert, Ingelbrecht… Tous, à leur manière, s’inscrivent dans cette fascination pour la Grèce rêvée de la fin du XIXᵉ siècle.
Nous voulons offrir au public un moment comme en apesanteur, un petit voyage intérieur, à la fois tendre, rêveur et sensuel.
Comment définir les nymphes ?
Dans la Grèce antique, les nymphes sont des esprits féminins de la nature : gardiennes des bois, des sources, des montagnes ou des fleurs. Elles ne sont ni déesses, ni mortelles, mais elles incarnent la beauté, la légèreté et la vitalité du monde naturel. Leur présence inspire depuis toujours les poètes, les peintres et les musiciens.
Le programme semble très impressionniste. Comment décririez-vous cet univers ?
L’impressionnisme en musique, c’est l’art de la nuance, du flou, de la lumière. On y privilégie la couleur, le timbre, la suggestion. C’est une esthétique du ressenti plutôt que du discours. La flûte et la harpe s’y prêtent merveilleusement : elles apportent cette transparence, cette poésie sonore, ce souffle suspendu. Nous voulons offrir au public un moment comme en apesanteur, un petit voyage intérieur, à la fois tendre, rêveur et sensuel.

Vous évoquez un « concert-récit ». En quoi sera-t-il différent d’un concert classique ?
Ce ne sera pas un concert traditionnel. Noëmi Waysfeld fera le lien entre les pièces par des textes, parfois chantés, parfois parlés : des extraits des Chansons de Bilitis, mais aussi des lettres échangées entre Debussy et Pierre Louÿs ou Gabriel Mourey. L’idée est de créer un fil rouge narratif, où musique et mots s’entremêlent. Je trouve fascinant de mêler les arts. J’ai travaillé en opéra au début de ma carrière, et j’ai toujours été attirée par l’union du texte et de la musique. Cela donne une autre dimension émotionnelle, comme une respiration partagée entre les artistes et le public.
Le programme alterne œuvres célèbres et découvertes. Comment avez-vous trouvé cet équilibre ?
C’est un vrai travail d’équipe. Pour une flûtiste, Philippe Gaubert est une figure incontournable, mais Ingelbrecht, par exemple, est beaucoup plus rare. Nous voulions justement offrir cette diversité : des pages emblématiques comme Syrinx ou La Flûte de Pan (tirée des Trois Chansons de Bilitis), mais aussi des œuvres moins connues qui révèlent la richesse de ce répertoire.
Et puis, nous avons glissé l’Entr’acte d’Ibert pour flûte et harpe : une pièce vive, un peu théâtrale, qui apporte un souffle plus enjoué au milieu de cette atmosphère rêveuse.
Quelle pièce vous touche le plus personnellement ?
À Chloris de Reynaldo Hahn. Je l’ai découverte par hasard, en écoutant Philippe Jaroussky, et j’ai eu un vrai coup de foudre. C’est une mélodie d’une beauté désarmante, à la fois simple et bouleversante. J’ai tout de suite su que je voulais la jouer un jour. Et comme Chloris est elle aussi une nymphe, elle s’intégrait parfaitement au thème.
Quelle place occupe la harpe dans cet univers ?
La harpe, c’est la douceur, la lumière, le fil d’or de tout le programme. C’est un instrument associé depuis toujours à l’Antiquité, et ici, elle renforce ce climat d’élégance et de rêve. Les sons de harpe évoquent les reflets de l’eau, les souffles du vent. Avec la flûte, elle forme un duo d’une grande délicatesse.
Que souhaitez-vous que le public ressente ?
J’aimerais qu’il vive ce concert comme un moment suspendu, hors du temps. Qu’il entre dans cette atmosphère d’Antiquité rêvée, pleine de poésie, de lumière et de sensualité. Le Concert des nymphes n’est pas seulement un programme musical : c’est une invitation à la contemplation. Et, je l’espère, une bouffée d’inspiration.
Propos recueillis par Éric Mairlot