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Jean-Yves Thibaudet : Un poète du clavier en terres égyptiennes

Thibaudet

Le 25 septembre, le pianiste Jean-Yves Thibaudet, incarnation de l'élégance française, accompagne pour la première fois l'OPRL dans "L'Égyptien" de Saint-Saëns. Portrait circonstancié d'un interprète exceptionnel.  

Depuis plus de trois décennies, Jean-Yves Thibaudet occupe une place à part dans le monde du piano. Virtuose accompli, il est bien plus qu’un interprète brillant : c’est un styliste, un poète du clavier, reconnu pour sa sensibilité rare, son raffinement sonore et son éclectisme assumé. Formé au Conservatoire de Paris où il travaille avec le grand Aldo Ciccolini et Lucette Descaves – une disciple de Marguerite Long – il remporte très jeune les concours les plus prestigieux (2e Prix à Cleveland en 1979) avant de se lancer dans une carrière internationale fulgurante.

Intelligence musicale

Thibaudet séduit par un toucher lumineux, une palette de couleurs infinie et une manière très personnelle de faire chanter chaque note, avec une clarté et une intelligence musicale remarquables qui transparaissent dans sa magnifique intégrale des œuvres pour piano solo de Ravel chez Decca. Que ce soit dans les grands concertos romantiques (à commencer par ceux de Rachmaninov, qui trônent au sommet de la discographie), la musique française ou les œuvres du XXe siècle, il impose toujours une lecture à la fois fidèle et inspirée. L’ensemble de ses enregistrements témoigne de cette curiosité artistique : ils couvrent un large éventail allant de Satie et Debussy à Gershwin, Liszt, Messiaen (la Turangalîlâ-Symphonie !), mais aussi Khatchatourian et Manu Martin (au cœur de deux nouveaux enregistrements édités par Decca en 2025) ou encore l’univers des musiques de film (Orgueil et Préjugés, Extrêmement fort et incroyablement près).

Mais ce qui distingue aussi Jean-Yves Thibaudet, c’est sa capacité à construire des ponts entre les genres, à mettre en lumière des œuvres parfois oubliées, à servir la musique avec sincérité et sans artifice. Il est aussi un chambriste recherché (Cecilia Bartoli en sait quelque chose), un partenaire de scène apprécié des plus grands chefs et orchestres.

Débuts à Liège

Le public liégeois aura la chance de découvrir pour la première fois à la Salle Philharmonique ce pianiste d’exception le 25 septembre aux côtés de l’OPRL dans un chef-d’œuvre aussi brillant qu’exotique : le Concerto pour piano n° 5 de Camille Saint-Saëns, surnommé « l’Égyptien ». Composé en 1896, à Louxor, ce concerto fascine par son caractère bigarré, son énergie et ses évocations orientalisantes. Saint-Saëns y mêle inspiration française, souvenirs de voyages et virtuosité éblouissante dans un savant mélange d’élégance classique, sa marque de fabrique, et d’exotisme assumé (propre à l’air du temps). Un terrain d’expression idéal pour Jean-Yves Thibaudet, dont le jeu raffiné et coloré promet de sublimer cette partition étincelante que dirigera Lionel Bringuier.