Classic Academy 2025 : Rencontre avec Francisco José Santos Funina

Originaire de Tarouca (Portugal), étudiant en bachelier 3 à Liège, Francisco José Santos Funina interprète le Concerto pour trompette d’Aroutiounian avec l’OPRL, sous la direction de Swann Van Rechem. Nous l’avons rencontré.
Pourriez-vous nous présenter brièvement votre parcours ?
J’ai commencé la trompette à l’âge de 9 ans, dans l’harmonie municipale de Tarouca, un peu poussé par mon père, qui lui aussi jouait de la trompette. En fait, toute ma famille joue d’un instrument à vent ou fait partie d’une harmonie, donc ça coulait un peu de source. Vers 11 ans, j’ai commencé à suivre des cours à l’Académie de ma ville natale, avec le professeur José Cardoso.
En 2015, j’ai intégré l’École professionnelle d’art de Mirandela (Portugal), où j’ai étudié pendant six ans avec Maciel Matos. J’avais pas mal de facilités avec l’instrument, ce qui a vite été remarqué par mes professeurs et d’autres professionnels. Ils m’ont vraiment encouragé à envisager la trompette comme un métier. À partir de ce moment-là, je n’ai jamais vraiment pensé à faire autre chose.
Quand est venu le moment de chercher une formation supérieure, un ami avec qui j’avais étudié à Mirandela m’a parlé de Philippe Ranallo, qui venait d’être nommé professeur de trompette au Conservatoire de Liège. Il en disait beaucoup de bien et m’a conseillé de tenter ma chance dans cette ville. Et c’est comme ça que je me suis retrouvé à Liège.
Avez-vous déjà participé à d'autres concours ?
Oui, notamment au Portugal, au Concours de trompette de Póvoa de Varzim, une ville côtière au nord de Porto], où j’ai remporté le Premier Prix dans la catégorie supérieure. C’est mon professeur de Mirandela qui m’a proposé d’y participer. Il pensait que j’avais le niveau. Je voulais aussi me confronter à un autre cadre de travail, avec des conditions différentes, une pression nouvelle. J’étais super stressé, mais finalement, ça m’a vraiment aidé à apprendre à gérer ce stress, ce qui m’a beaucoup servi par la suite. Et puis, c’était aussi l’occasion de rencontrer d’autres trompettistes portugais de mon âge. Mon école était un peu isolée, loin des grands centres comme Porto ou Lisbonne, donc ça m’a permis d’élargir un peu mon horizon musical. J’ai aussi gagné un autre concours, cette fois dans le cadre d’une compétition de brass band, en Espagne.
Qu'est-ce qui vous a donné envie de devenir musicien professionnel ?
Quand j’étais petit, j’adorais regarder les trompettistes jouer — que ce soit ceux du pupitre ou les solistes. Il y avait quelque chose de fascinant, et ça m’a vite donné envie de faire de la trompette mon métier.
Voir mon professeur jouer, avec toute son aisance et sa musicalité, ça m’a aussi beaucoup inspiré. Et puis, participer à des masterclasses a été un vrai déclic. C’était à la fois motivant et formateur. Je dirais que ces moments-là ont été décisifs dans mon choix de devenir un musicien professionnel.
Pourquoi vous êtes-vous inscrit à la Classic Academy ?
Je me suis inscrit à la Classic Academy d’abord parce que j’étais vraiment motivé par le projet, mais aussi parce que plusieurs personnes autour de moi m’y ont encouragé. Notamment un joueur d’euphonium, Philippe Schiltz, qui avait participé à l’édition 2023 et qui m’en avait dit beaucoup de bien. Et bien sûr, mon professeur Philippe Ranallo m’a aussi poussé à tenter ma chance. Je vois ce concours comme une belle opportunité qui peut ouvrir pas mal de portes pour l’avenir. Quand on est un jeune musicien, jouer en soliste avec un orchestre professionnel comme l’OPRL est une grande opportunité. J’ai déjà eu la chance de jouer avec l’Orchestre plusieurs fois, au sein du pupitre de trompettes, notamment dans la Deuxième et la Cinquième Symphonies de Mahler, Le Sacre du Printemps ou encore la Douzième Symphonie de Chostakovitch. C’était une expérience incroyable. Ça m’a vraiment préparé au métier de musicien d’orchestre, j’ai appris beaucoup de choses sur la rigueur rythmique, la justesse, la couleur du son… Et surtout, j’ai complètement transformé ma manière de jouer le staccato (le détaché des notes) grâce à cette immersion. Et puis, jouer dans la Salle Philharmonique, c’est un vrai plaisir. L’acoustique est claire, naturelle… On n’a pas besoin de forcer le son, et la trompette garde toute sa couleur. C’est un cadre idéal pour progresser.
Est-ce la première fois que vous jouez en soliste avec orchestre ? Que vous apporte cette expérience, sur le plan artistique et humain ?
Non car j’ai déjà eu cette chance au Portugal, avec l’Orchestre du Nord. C’était en fait la récompense attribuée au gagnant du Concours de trompette de Póvoa de Varzim. C’est une expérience très différente de celle de musicien d’orchestre. D’abord, c’est beaucoup plus stressant à préparer, parce que toute l’attention du public est centrée sur vous. Mais en même temps, on se sent plus libre : on peut vraiment proposer sa propre vision musicale, choisir ses tempi, son interprétation… Et c’est l’orchestre qui s’adapte au soliste, pas l’inverse. J’aime beaucoup cette liberté-là.
Parlez-nous de l’œuvre que vous interpréterez le 22 juin avec l’OPRL…
Depuis que j’ai découvert la trompette, mon rêve a toujours été d’interpréter le Concerto d’Aroutiounian. Ayant ici la chance de pouvoir jouer avec un véritable orchestre symphonique, j’en ai profité pour ne pas choisir un concerto classique comme ceux de Haydn ou de Hummel — qu’on joue souvent avec un orchestre plus réduit — mais au contraire une pièce qui met pleinement en valeur les couleurs et la variété du grand orchestre. Le Concerto d’Aroutiounian a vraiment tout : dès la première entrée du soliste, on est tout de suite plongé dans l’intensité de l’œuvre, c’est une musique qui accroche immédiatement le public. Ce concerto met en avant la musicalité plus que la virtuosité pure. Or, pour moi, il est essentiel de transmettre une émotion à travers la musique, je ne souhaite pas juste enchaîner des passages techniquement difficiles. L’expression reste le paramètre le plus importante.
Bien qu’il ne dure que 15 minutes sans interruption, il apporte des atmosphères très variées, alternant des passages virtuoses, rapides avec une partie centrale beaucoup plus lyrique. Il y a aussi un moment avec sourdine qui permet d’explorer des couleurs différentes et de varier les timbres. L’orchestration est aussi d’une grande richesse : il y a beaucoup de parties qui mettent en avant les percussions, la puissance des cuivres, et le public pourra entendre de nombreux solos, notamment un magnifique passage à la clarinette.
Comment voyez-vous votre avenir professionnel ?
Quand je suis arrivé à Liège, j’étais très tourné vers le métier de soliste. Mais Philippe Ranallo m’a beaucoup aidé à développer mes compétences en tant que musicien d’orchestre. Aujourd’hui, je me sens plus proche de ce travail en pupitre, en collectif. Cela me correspond davantage. J’aimerais dès lors faire partie un jour d’un orchestre professionnel comme premier soliste chef de pupitre. Cela dit, si un jour je fais partie d’un ensemble symphonique, je serai toujours heureux de rejouer comme virtuose invité de temps en temps. Ce sont deux approches très complémentaires.
J’aime aussi beaucoup donner cours, surtout aux plus jeunes. Je me verrais bien enseigner dans une académie, auprès des débutants. C’est un public que j’apprécie particulièrement, parce qu’on peut vraiment les aider à poser les bases et à développer le plaisir de jouer. À côté de ça, j’adore la musique de chambre. Jouer plus tard dans un quintette de cuivres serait un vrai plaisir. J’aimerais aussi faire partie d’un brass band, c’est un univers que je trouve très stimulant, à la fois techniquement et humainement.
Plus tard, j’aimerais pourquoi pas enregistrer des œuvres connues du répertoire pour trompette, mais aussi participer à des projets plus personnels. J’ai très envie un jour de commander une œuvre pour brass et percussions à un jeune compositeur portugais, César Rafael Cordeiro. On a étudié ensemble à Mirandela, c’est quelqu’un de ma génération, très talentueux, et j’aimerais beaucoup collaborer avec lui sur un projet original.
Quels sont vos hobbies ?
En dehors de la musique, j’aime bien faire du fitness ou du VTT (surtout quand je suis au Portugal, parce qu’il y a de vraies montagnes sur place). Je suis aussi passionné de photographie, en particulier de photos d’architecture et de paysages. Je m’intéresse aussi à tout ce qui touche au coaching sportif, notamment à la nutrition. C’est un domaine qui me parle beaucoup, et je me dis que, peut-être, un jour, je pourrais m’y investir davantage, voire en faire une activité parallèle à la musique. J’apprécie aussi de passer simplement du temps à discuter avec mes amis d’enfance ou mes amis musiciens d’harmonie, pendant les longues soirées caniculaires de l’été portugais, pour se remémorer les bons souvenirs du passé… Ce sont des moments précieux. Je retourne au Portugal deux à trois fois par an, et l’été, j’y reste au moins deux mois pour bien en profiter.
Enfin j’aime voyager avec ma compagne. Pour l’instant, on découvre l’Europe, mais j’aimerais aller plus loin dans le futur, pour goûter d’autres cuisines, écouter d’autres musiques, et découvrir de nouvelles architectures. Ce sont des choses qui me nourrissent aussi artistiquement.
DU TAC AU TAC
Une œuvre que vous rêvez d’interpréter ?
Le Concerto pour trompette de Tomasi.
La rencontre la plus marquante de votre parcours musical ?
Celle avec le trompettiste Jeroen Berwaerts dont j’ai adoré la masterclass et la musicalité en concert ici à la Salle Philharmonique.
Une salle de concert où vous rêvez de jouer ?
La Philharmonie de Paris.
Quel autre instrument auriez-vous aimé pratiquer ?
Le violoncelle ou le hautbois.
Un livre que vous recommanderiez sans hésiter ?
L’essai Atomic Habits de James Clear, pour qui l’accumulation de petits changements de comportement du quotidien peut s’avérer plus marquante que la réalisation de grands objectifs.
Le jingle publicitaire que vous ne supportez pas ?
C’est moins un jingle qu’un slogan publicitaire qui m’insupporte, celui de Basic Fit : « Go for it ».
Propos recueillis par Stéphane DADO